L’Hôtel de Caumont est l’une des plus prestigieuses demeures du patrimoine aixois, au cœur du quartier Mazarin.
Il est l’une des rares adresses qui permettaient à leurs propriétaires de témoigner de leur aristocratie.
Un peu d'Histoire ...
Au XVIIe siècle, la ville d’Aix-en-Provence connait une forte croissance démographique. L’archevêque Michel Mazarin, frère du célèbre cardinal, entreprend un nouvel agrandissement de la ville en créant le quartier Mazarin qui devient le théâtre d’ambitions considérables – religieuses, politiques et privées. Il est organisé selon un plan à damier dont le cœur est la place des Quatre-Dauphins.
En 1715, François Rolland de Réauville, marquis de Cabannes, souhaite construire un hôtel particulier digne de sa fonction de second Président à la Cour des Comptes d’Aix-en-Provence.
Ainsi, il demande à Robert de Cotte, intendant et premier Architecte des Bâtiments du Roi, de lui dessiner les plans d’une superbe demeure qui se démarquerait des autres hôtels particuliers du quartier. Le 4 avril 1715, les travaux débutent sous la direction de l’architecte aixois Georges Vallon.
Endeuillée et endettée, la famille de Réauville est contrainte de vendre la propriété quelques années plus tard. François Bruny de la Tour-d’Aigues, le plus riche armateur, marchand et banquier de Marseille, achète l’hôtel particulier en 1758. Celui-ci prend ainsi le nom d’Hôtel de Bruny.
Au décès de François de Bruny le 22 novembre 1772, son fils Jean-Baptiste Jérôme hérite de l’hôtel. Collectionneur et membre de l’académie de peinture de Marseille, il rassemble dans sa propriété aixoise de nombreuses œuvres d’art. L’Hôtel de Bruny est alors le théâtre de fêtes et de soirées mémorables regroupant toute la bonne société aixoise.
En 1796, à la mort de Jean-Baptiste, l’hôtel revient à son fils Marie-Jean-Joseph qui meurt peu de temps après lui. Sa sœur, Pauline, hérite de la demeure.
Pauline, née Bruny de la Tour d’Aigues, épouse Amable de Seytres, marquis de Caumont. L’Hôtel de Bruny prend légitimement son nom.
En 1850, Pauline s’éteint sans héritier. Elle nomme son cousin Louis-Charles de Bruny comme légataire universel de son hôtel. Celui-ci le revend peu de temps après. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, l’hôtel de Caumont connaît de nombreux propriétaires successifs et son état se délabre …
En 1939, lorsque la Seconde Guerre Mondiale débute, l’hôtel a complètement perdu son lustre d’antan. Il est alors divisé en plusieurs appartements tenus par Hélène Ardevol (1892-1976), concierge de l’immeuble et membre de la Résistance. Elle y héberge courageusement de nombreux résistants.
Le général Isenbart est le dernier propriétaire privé de l’hôtel de Caumont. Après avoir entrepris la restauration du lieu, par amour de celui-ci, il le vend à la ville d’Aix-en-Provence en 1964. L’hôtel devient alors le Conservatoire de musique et de danse Darius Milhaud.
En 1990, l’hôtel dans son ensemble est classé Monument Historique.
En 2010, pour financer la construction de son nouveau conservatoire de musique, la Ville d’Aix-en-Provence cède l’Hôtel de Caumont à Culturespaces. Une vaste campagne de restauration est programmée, 300 ans après la pose de sa première pierre …
Enfin, le 15 avril 2015, l’Hôtel de Caumont ouvre ses portes et accueille chaque année deux expositions temporaires dédiées aux grands noms de l’art. En parallèle, le film « Cézanne au pays d’Aix » est diffusé tous les jours. Concerts, performances musicales et conférences viennent compléter la programmation.
Une beauté architecturale
Cette superbe demeure est un hôtel entre « cour et jardin », organisé selon un type de plan apparu à Paris au XVIe siècle et qui correspond, à l’échelle urbaine, au château et à son parc. Par l’ampleur de sa conception, sans équivalent à Aix en Provence, par ses proportions harmonieuses et le classicisme de sa façade, il représente une magnifique illustration de l’architecture française du XVIIIe siècle.
Le Hall, le Salon de Musique, la chambre de Pauline, les salons des Putti et des Rinceaux, sans oublier la Grande Galerie sont de vraies pépites architecturales. Les jardins y sont également magnifiques. Ils tiennent un rôle essentiel, permettant de laisser place à la nature.
Une restauration d'orfèvre
Fleuron architectural du Siècle des Lumières, propriété de la ville d’Aix en Provence depuis 1964, l’Hôtel de Caumont a, au fil de son histoire, subi diverses modifications disgracieuses qui l’on dénaturé. Démolitions de plafonds et de cheminées, destructions de certaines gypseries … Il était temps d’agir pour redonner son lustre passé à cet édifice classé Monument Historique.
L’entreprise Culturespaces l’a racheté en 2013 pour en faire un centre d’art et a entrepris de vastes travaux. Les soins intensifs ont rapidement commencé sous la houlette de Mireille Pellen, architecte du Patrimoine en charge du chantier.
Les opérations ont commencé par le ravalement des imposantes et majestueuses façades. Une partie de la charpente a été restaurée, la grande verrière, quant à elle, l’a été dans sa totalité et des verres soufflés à la bouche ont été placés dans l’armature métallique. Toutes les menuiseries ont été remplacées par des menuiseries en noyer. Un travail a été soigneusement fait sur les garde-corps, les balcons, les ferronneries aussi. Des analyses scientifiques ont été réalisées à la demande des restaurateurs afin de retrouver les couleurs originelles des murs, plafonds et gypseries. Les jardins « à la française » dessinés par Robert de Cotte, avec leurs tracés géométriques précis, leur perspective ouverte et leurs jeux d’eau complètent la restauration de ce fleuron de l’architecture aixoise.
Les Chiffres Clés
Surface de l’édifice : 2 500 mètres carrés
Durée de chantier : 18 mois
Coût de la restauration : 12,8 millions d’euros
Prix d’acquisition de l’hôtel par Culturespaces auprès de la ville d’Aix : 10 millions d’euros
310 000 visiteurs par an
Centre d'Art
Le lancement de Caumont Centre d’Art est une nouvelle page qui s’écrit pour l’Hôtel de Caumont, trois cent ans après la pose de sa première pierre. Il s’agit également d’un véritable challenge pour Culturespaces qui ouvre pour la première fois au public un lieu dont la société est propriétaire.
Une nouvelle génération de centre d’art est lancée, avec une programmation d’expositions allant de l’art ancien à nos jours.
La démonstration sera faite qu’un centre d’art peut ne pas être uniquement associé au mot « contemporain ».
Avec deux grandes expositions par an, un film sur Cézanne au pays d’Aix, une terrasse ouverte sur les jardins et des rendez-vous réguliers pour partager l’art avec passion, l’Hôtel de Caumont assoit sa réputation de lieu culturel résolument vivant.
Il ne fait jamais nuit ...
Jusqu’au 10 Octobre 2021, les œuvres de l’artiste français d’origine chinoise Zao Wou-Ki (1920-2013), réalisée en collaboration avec la Fondation Zao Wou-Ki, sont exposées à l’Hôtel de Caumont. L’exhibition regroupe près de 80 œuvres de 1935 à 2009 (huiles sur toile, aquarelles et encres de Chine sur papier) provenant de collections publiques et privées. Cet ensemble a pour ambition de mettre au jour un des grands thèmes de création de l’artiste : inventer de nouveaux espaces picturaux construits à partir de son travail sur la couleur et la représentation de la lumière. Lumière et espace sont en effet indissociables dans son œuvre et permettent de comprendre son objectif récurrent de « donner à voir » ce qui ne se voit pas et qui l’habite, « l’espace du dedans ».
Dans la période qui suit son installation à Paris en 1948, Zao Wou-Ki explore le thème de la lumière diurne ou nocturne dans une série d’œuvres poétiques intégrant simplement la représentation des astres lunaire et solaire. Le passage à l’abstraction opéré au milieu des années 1950 par l’usage du signe emprunté à Paul Klee, enrichit son rapport à la lumière et à l’obscurité, exprimées alors par le jeu des masses colorées, qui s’affrontent ou fusionnent.
La pratique de l’encre de Chine, grâce à Henri Michaux à partir de 1970, lui permet de faire évoluer la tradition chinoise. Il entame alors un travail sur le vide, associé au blanc ou à la réserve, et le plein, associé au noir de l’encre. Cette recherche se prolonge dans sa peinture et lui fait découvrir de nouveaux espaces.
Les œuvres des années 1970 et 1980 renvoient à une face plus sombre correspondant à des périodes de souffrances et de deuil. Ces va-et-vient entre lumière et part d’ombre puisent leur inspiration dans la longue histoire de la peinture chinoise qui recherche l’équilibre des contraires.
Guidé à ses débuts et jusqu’à la fin de sa vie par le génie de Paul Cézanne (Paysage Hangzhou, 1946 ; Hommage à Cézanne, 2005), Zao Wou-Ki a lui aussi été sensible à la lumière spécifique du soleil du midi de la France. Après avoir loué entre 1958 et 1972 un atelier dans le Var où il retrouvait nombre d’amis, il accepte la proposition de Josep Lluis Sert qui lui construit un atelier à Ibiza en 1973, un nouveau lieu de création.
À partir de 2004, Zao Wou-Ki séjourne à plusieurs reprises en été dans la propriété du Luberon du couturier Emanuel Ungaro, très attaché par ailleurs à sa ville natale d’Aix-en-Provence. Zao Wou-Ki y travaille « sur le motif », fait nouveau pour lui, et peint une série d’aquarelles qui seront présentées pour la première fois à l’Hôtel de Caumont. Elles rendent compte de la luminosité et des couleurs tantôt flamboyantes tantôt assourdies des paysages du Luberon. Ces œuvres expriment à l’ultime moment de sa vie son bonheur de peindre immuable.