Majestueux pot d’ornement de jardin en terre cuite vernissée au pied mouluré, joyau de l’artisanat français, le vase d’Anduze incarne l’union parfaite entre nature et art. Une tradition artisanale qui se perpétue depuis des siècles, dans le piémont des Cévennes, donnant naissance à des objets d’une rare beauté et d’une élégance intemporelle.

Né durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, il se dit que le vase d’Anduze aurait orné les parcs du château de Versailles. Récemment, un tesson de vase d’Anduze daté de 1804 a été découvert dans un parc du domaine ; la maison du Chêne Vert a été chargée de fournir au Château des vases qui ornent aujourd’hui « la salle triangulaire » du Parc du Grand Trianon. Dans les faits, avant d’être un objet d’art, le vase d’Anduze s’est avant tout développé suite à la production d’agrumes, afin de protéger les arbres des gelées hivernales. Il est revenu au goût du jour ces dernières décennies en étant commercialisé partout en France, et dans le monde entier.

Une certaine influence, un certain talent méridional

L’influence de la Renaissance italienne sur l’art français est un élément clé dans l’histoire du vase d’Anduze. C’est au cours du XVIe siècle que des artisans italiens immigrent en France, apportant avec eux leur savoir-faire en poterie et céramique. Leur contribution artistique a permis de voir naitre un nouveau style en France, un certain raffinement à l’italienne : des formes élégantes et élancées. Sur le plan technique, les potiers italiens ont introduit de nouvelles méthodes de fabrication et de décoration. Par exemple, l’émaillage à l’origine des couleurs vives et brillantes, et des motifs ornementaux tels que les guirlandes de fleurs, les feuilles de vignes et les mascarons.

Des ornements de jardin d'une élégance rare. Un parfum d'Italie...

On ne peut raconter l’essor des poteries d’Anduze, sans faire référence également à l’influence de l’Empire ottoman. Les céramiques turques sont alors très prisées en Europe, par leurs motifs floraux, géométriques, arabesques et leurs couleurs vives. C’est ainsi que les artisans français adoptent certaines techniques de fabrication ottomanes. Par exemple, la glaçure consistant à recouvrir d’une glaçure transparente les peintures pour les rendre plus profondes, ou la patine pour donner un aspect vieilli et usé, et ainsi créer une apparence authentique, intemporelle.

Au XVIIe siècle, la ville d’Anduze est devenue un important centre de production de poterie, grâce à la qualité de son argile et à la présence de potiers remarquables. Les vases commencent à être fabriqués grâce à la technique de la terre cuite consistant à façonner l’argile, à la faire sécher et à la cuire au four. Et c’est en tirant parti de leur héritage italien et ottoman, par une fusion culturelle, que les artisans d’Anduze créent des vases uniques, de vrais bijoux, alliant finesse et robustesse, qui se rapprochent petit à petit des caractéristiques des poteries qui feront bientôt LE « vase d’Anduze » que nous connaissons.

C’est enfin au milieu du XVIIIe siècle qu’un potier cévenol se serait rendu à la foire de Beaucaire où il fut séduit par l’élégance des vases Médicis et l’opulence des décors des vases Florentins. De retour à Anduze, il s’en serait inspiré pour créer le premier vase d’Anduze, fusion des vases fabriqués jusque là en Cévennes, et des vases Italiens.

Les familles

Au XVIIl et XIXème siècle, de nombreuses familles produisaient le vase d’Anduze, les plus célèbres étaient la famille Gautier (ils seraient les créateurs du Vase d’Anduze sous sa forme actuelle) et la famille Boisset. Plus tard, d'autres productions se sont développées avec les dynasties Caulet, Trouvat, Bourguet, Castanet, Faucher et Rodier. Les Clauzel se sont établis à Tornac, tandis que les Favier et Dupas s'établirent à Saint-Jean-du-Gard.
Durant le XIXème siècle, ces poteries tombent en désuétude et la plupart des maisons qui les produisent ferment leur portes ; certaines fusionnent ou sont rachetées, notamment par la famille Boisset. De nos jours, il existe 9 poteries à Anduze et dans les villages alentour connues pour leur production des célèbres vases, dont les héritiers Boisset « Les Enfants de Boisset », Le Chêne Vert (connus pour leurs patines et leurs rééditions de vases anciens), la Madeleine (plus gros fabriquant de vases d’Anduze aujourd’hui) ou encore Ampholia (connus pour leurs patines).

Dans l'ancienne filature Maison Rouge (musée des vallées cévenoles) à Saint-Jean-du-Gard, un superbe hommage au vase d'Anduze

Comment le reconnaît-on ?

Le vase d’Anduze, élément essentiel des jardins méridionaux, se caractérise aujourd’hui par sa forme, ses décors et ses couleurs spécifiques. Il arbore une forme de cloche renversée, posée sur un pied douche et peut faire toute sorte de taille : dépasser le mètre de hauteur en tant que vase d’orangeraies ou encore être de petite taille en servant de pot à fleurs, voire très petite en étant décliné en pots à crayons ou coquetiers. On le reconnait par la présence de deux guirlandes entourant le vase à mi-hauteur retenues par des médaillons, éléments essentiels à la qualification de vase d’Anduze.
Cependant, chaque potier adopte au fil du temps son propre style, ses propres techniques dans le façonnage des décors avec des variabilités au niveau des détails.
Toujours vernis, les vases traditionnels arborent le fameux jaspé (savante superposition de jaune, de brun et de vert) ; par la suite les potiers vont les décliner en d’autres couleurs, plus vives, unies et variées : bleu, rouge, ou encore vert.

Mascarons, guirlandes et signatures à la plume

Le marché du vase d'Anduze

Depuis les années 1980, une dizaine de poteries se répartissent sur les communes d’Anduze, Tornac, Marsillargues-Atuech, Lézan, Boisset-Gaujac, jusqu’à Alès. Ce vase cévenol est le fruit d’un engouement touristique local, et fait l’objet de festivals de la région consacrés à la poterie et à la céramique durant la période estivale. Le festival de la céramique d’Anduze accueille depuis 20 ans des céramistes contemporains et propose de nombreuses animations autour de la fabrication du vase d’Anduze, avec des ateliers invitant à découvrir et s’initier aux métiers de la terre.

La famille Boisset et son savoir-faire ancestral, de l'extraction de leur propre terre à la vente directe devant leur atelier

En France, l’intérêt culturel pour le vase d’Anduze s’étend de plus en plus au delà de sa région. Il n’est pas rare d’en voir sur certaines terrasses de restaurants parisiens ou dans des parcs et jardins européens. Forte de son histoire, de sa notoriété et de sa dimension culturelle, sa commercialisation est devenue mondiale et participe fortement à l’attractivité touristique de la région. Sa renommée est telle que début 2017, l’une des poteries de la région a accepté une commande de 93 vases d’Anduze de très grande taille à destination des jardins du prince d’Arabie Saoudite.

Cette oeuvre de terre qui séduit de plus en plus et qui fait généralement l’unanimité de part son élégance, a su également conquérir le coeur de Françoise Auran-Boudet comme le montre son poème A un vase d'Anduze. Une ode à ce majestueux vase que l’on ne peut que valider.

Maison Gautier